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le nouvel Economiste

Le bien-être par l'espace de travail, une tendance de fond

On a longtemps cru à l’effet de mode, mais c’est désormais un phénomène ancré : la recherche du bien-être au travail par des espaces bien pensés s’enracine dans le tertiaire
Bien-être au travail, une tendance de fond© Andi Popescu/REX/REX/SIPA
Signe des temps, le Salon de l’immobilier d’entreprise (Simi) à Paris en décembre a été marqué par les “enjeux de transformation” du secteur. L’attribution des Grands Prix Simi, qui récompensent les acteurs du changement de l’immobilier tertiaire, a fait la part belle à des projets conçus autour des nouveaux usages des salariés, de leur confort, et du bien-être au travail. Des notions relativement nouvelles en France dans leurs applications concrètes, mais qui prennent racine très rapidement, et bouleversent en profondeur un marché forcé de s’adapter.

par Chloë Violette
Coworking, télétravail, flex desk, collectif et collaboratif ont le vent en poupe, transforment la façon de travailler et de concevoir les mètres carrés, avec pour seul mot d’ordre, la flexibilité. Baptiste Broughton dirige Néo-nomade, une plateforme qui permet de trouver un espace de travail partout et à toute heure : coworking, bureaux à partager… La start-up accompagne aussi les entreprises sur de nouvelles organisations du travail, via des outils déclinés pour le corporate. “Nous avons commencé en 2010. Nous étions trois et il y avait deux espaces de coworking à Paris. [d’après l’étude réalisée par le réseau de conseil en immobilier Arthur Loyd, il y en avait 177 en 2017, contre 20 en 2012, ndlr]. Les trois premières années, quand on toquait aux portes des entreprises, nous n’étions pas toujours pris au sérieux. Ou on nous répondait qu’il fallait repenser l’organisation du travail, mais ça restait flou, il n’y avait pas de façon de faire concrète. Maintenant, le phénomène est reconnu, il est là pour durer. Le vocabulaire s’est étoffé, il est précis.” Signe que la tendance dépasse l’effet de mode, Sodexo a investi dans la start-up en 2017. “Qu’un acteur de ce poids investisse, ça montre qu’on est sur quelque chose de durable”, estime-t-il.

Les mètres carrés ne suffisent plus

Quand les modes de travail changent, l’immobilier d’entreprise doit suivre. RedMan a mené un projet ambitieux sur le sujet, The Camp, à Aix-en-Provence, primé lors du Simi, le Salon de l’immobilier d’entreprise. Le postulat : il ne s’agit plus d’intensifier les mètres carrés, mais d’apporter de la liberté et des services pour favoriser l’émulation. “Ce n’est pas parce que je ne suis pas assis ‘à ma place’ que je ne suis pas en train de travailler. Cette vision conditionne des espaces très différents. Ça change complètement la façon de voir un immeuble : tant de collaborateurs, tant de mètres carrés, tant de chaises, tant de tables”, explique Sandrine Peney, directrice stratégie et innovation de RedMan et docteur en économie.
Bien souvent, le moment idéal pour changer de modèle serait le déménagement. “L’immobilier est le levier sur lequel se fonde l’entreprise pour évoluer. Il est difficile de changer sa façon de travailler et de se défaire des habitudes dans les mêmes lieux. Le déménagement est un bon moment pour repenser le travail. C’est une dynamique qui fait presque l’unanimité : les entreprises ont un projet d’aménagement du travail en parallèle à un projet immobilier”, complète-t-elle. Si l’optimisation des mètres carrés est nécessaire, ne serait-ce qu’en raison de leur prix, le véritable enjeu serait l’adaptabilité du tertiaire. “Pourra-on adapter nos locaux en fonction des façons dont le travail va encore changer ? Peut-on ajuster dans 5 ou 10 ans ?”
Pour Philippe Morel, président de Nextdoor, le projet pilote d’espaces de coworking de Bouygues Immobilier, “L’immobilier doit répondre à des attentes. Financières, puisque le tertiaire est beaucoup trop cher. En matière de services proposés aux salariés et de digitalisation, deux pans sous-développés. Et enfin sociétales, puisqu’il y a une révolution majeure sur le sujet. Aujourd’hui, on a tous envie de travailler différemment”.

Salarié heureux = salarié productif

Travailler différemment, d’accord, mais l’enjeu, c’est aussi de le faire mieux ! Danone, L’Oréal, Vinci… on ne compte plus les grandes entreprises qui font peau neuve et repensent leur fonctionnement interne en même temps que leurs sièges, à l’image des pionniers Google et Facebook. Objectif : favoriser le confort des salariés, l’ouverture et l’innovation. À grand renfort de yoga, plantes vertes et autres chiefs happiness officers. Simple vitrine ? Pas seulement, car les entreprises ont beaucoup à y gagner… et aussi beaucoup à perdre si elles manquent le virage. D’après les études réalisées par Sofaxis pour le public, Malakoff Médéric pour le privé, l’absentéisme au travail a augmenté de 7,5 % entre 2010 et 2016, public et privé confondus. Le risque de burn-out concernerait 3,2 millions de Français, d’après l’étude Technologia de 2014. Et l’étude 2017 Apicil-Mozart Consulting est sans appel : pour les 18,3 millions de salariés du privé, l’impact du mal-être au travail représenterait un coût moyen par salarié de 12 600 euros, dont 77 % dus au désengagement réciproque entreprise/salarié…
“Les bénéfices économiques sont évidents, mais sous-estimés en France. Pour 500 salariés, sur 1 an, c’est 1 million d’euros économisés si l’entreprise s’engage dans une démarche de bien-être”, estime Samuel Metias, fondateur de Comeet et à l’origine d’Happy Tech (voir encadré). Même constat pour Baptiste Broughton de Néo-Nomade : “revoir les modes de travail et l’organisation du tertiaire, c’est un bénéfice. Les salariés auront une meilleure qualité de vie, seront plus engagés, il y aura moins de turnover, la marque employeur sera plus attractive, ça crée de la fidélité, booste la productivité et favorise l’innovation. Et oui, on peut faire des économies avec ces nouveaux modes de travail”. Exemple à l’appui, celui de Generali et ses agences de province : “les bureaux des commerciaux étaient utilisés 30 % du temps. Ils ont fermé ces agences et louent des bureaux à l’heure en fonction des besoins. Ils ont adopté le coworking dans une approche immobilière de la problématique, et ont économisé entre 20 et 40 % sur le foncier”.

Millennials à la manœuvre

Alors, rien à y perdre, tout à y gagner ? Oui, mais si l’immobilier d’entreprise s’empare maintenant de la problématique, c’est aussi parce que l’arrivée sur le marché du travail des générations Y et Z les y contraint. “C’est un changement énorme ! Ils disent tout haut ce que tout le monde pense tout bas”, estime Philippe Morel. “Pour les millennials, ne pas avoir accès à une douche ou à une cuisine au travail est impensable. Ils ne travaillent plus chez quelqu’un, mais dans tel immeuble, avec son univers propre. L’exemple le plus parlant serait celui de Google. Alors, immobilier et entreprises sont contraintes à suivre le mouvement”, raconte Sandrine Peney.
L’open space standardisé les séduit peu. D’après une étude réalisée par l’Edhec en 2014, seuls 7 % des digitales natives (18-30 ans) se verraient travailler dans un bureau classique… “Les millennials mettent le sens et la qualité de vie au travail au même niveau que le salaire sur leur échelle de valeurs. Ça va changer la donne. On est à la traîne, mais on a un terreau français qui fait que ça s’implantera peut-être plus vite qu’ailleurs”, espère Samuel Metias.
Prudence cependant : “on a des contre-exemples sur le terrain. Les réticences sur la flexibilité ne sont pas forcément le fait des quadras et plus. Oui, ces changements sont portés par des valeurs de la culture Y, mais je n’y vois pas un affrontement de générations”, tempère Baptiste Broughton. Autrement dit, tout le monde ne se retrouve pas dans ces bouleversements. L’évolution est indiscutable, mais il reste des freins. “Pour le flex, il y a des expériences ratées. Par exemple l’espace pensé pour l’espace, sans tenir compte des usages et des collaborateurs, qui ne sont pas assez impliqués dans la refonte des lieux de travail. Le plus gros risque, c’est un espace pensé de A à Z, où on demande leur avis aux salariés pour la couleur des chaises.”

Des évolutions à bien réfléchir

Paradoxalement, vouloir à tous crins améliorer le bien-être des salariés via un nouvel agencement de l’espace pourrait donc aussi s’avérer contre-productif. Surtout lorsque c’est fait dans la précipitation, pour suivre l’effet de mode.
“Souvent, les difficultés résident ou sont révélées dans des détails. Les retours sont très hétérogènes : en fonction de la façon dont les aménagements ont été faits, de l’âge des salariés, des fonctions, et des secteurs d’activité. Si vous n’avez que des cadres trentenaires dans un secteur créatif, vous avez affaire à une population particulière. Certains vivent le réaménagement comme une contrainte. Dans certaines entreprises, il faut arriver tôt pour avoir une place assise, parce que le flex a été conçu trop juste. En flex, on ne choisit pas ses voisins, on n’a pas ses affaires sur son bureau. Le collaboratif, le participatif c’est bien, mais pour certains, il est difficile de s’adapter”, constate Sandrine Peney. Le changement progresse vite, mais il ne faut pas oublier que ces évolutions du tertiaire ne sont pas encore une réalité partout, loin s’en faut. Et même au sein d’une même entreprise, “il ne faut pas non plus oublier la dichotomie qui existe entre ceux qui sont à la production et les autres. Entre les sièges et le reste”, assure-t-elle.
Immobilier et PME, un enjeu encore mal maîtrisé
À l’occasion du Salon immobilier de l’entreprise, en décembre 2017, le promoteur Atland a publié une étude réalisée par OpinionWay. Son objet : “L’enjeu de l’immobilier pour les dirigeants d’entreprise”. Pour cette étude, 400 dirigeants d’entreprises de 50 à 249 salariés ont été interrogés.
Le constat de l’étude laisse perplexe. 85 % des personnes interrogées considèrent que l’immobilier “constitue un levier stratégique pour le développement de l’entreprise”… et 62 % à déclarer que c’est “une contrainte”. De même, si à 93 % ils estiment que leurs locaux répondent aux besoins actuels de l’entreprise, ils sont aussi 89 % à dire qu’ils ne correspondront pas à ses besoins futurs.
Besoin de changer ? De s’adapter aux évolutions ? Peut-être, mais là aussi un résultat paradoxal : à 55 %, ils n’ont engagé aucune stratégie visant à optimiser les coûts de l’immobilier de l’entreprise.
Peut-être parce que pour 56 % d’entre eux, personne dans l’entreprise n’est spécifiquement en charge des questions immobilières ? Un manque d’expertise pourrait être l’un des éléments de réponse à ce paradoxe. Peut-être aussi parce que les PME ont plus de mal à percevoir les enjeux et atouts économiques que constitue un investissement immobilier, ce qui “explique probablement en partie la difficulté d’appréciation quant à l’adéquation de leurs locaux professionnels à leurs besoins actuels et futurs”, avance OpinionWay.
Au niveau de l’agencement de l’immobilier, les chiffres sont plus encourageants, puisque 62 % ont engagé une réflexion sur l’aménagement des locaux qui prenne en compte “le bien-être des collaborateurs”. De la même manière, le critère le plus important quant au choix de l’emplacement du siège social est “la facilité d’accès pour les collaborateurs”, pour 87 %.
Acheter ses locaux reste encore la solution pour 47 %. Le développement du flex, et les économies induites, pourrait-il changer la donne ? 

Des labels qui poussent au confort
La thématique du bien-être au travail sous toutes ses formes s’imposant de manière massive, les initiatives ne manquent pas pour labelliser la démarche. À la clé pour l’entreprise : en plus de la qualité de vie pour les salariés, un effet com’ qui joue sur la marque employeur.
Label Well, qui mesure ainsi sept critères (air, eau, lumière, activité physique, confort, alimentation et bien-être psychologique), label Top Employers, certification Great et Best place to work, sans parler des multiples dispositifs gouvernementaux, les labels se multiplient. “On favorise le confort à tous niveaux : lumières, acoustique, assises… c’est une des priorités des projets que nous menons. Et il y a une vraie recherche de labels. Je ne connais pas d’entreprises qui n’ont pas ces ‘contraintes’ aujourd’hui”, concède Sandrine Peney, directrice stratégie et innovation de RedMan.
La certification de la qualité de vie au travail est aussi vecteur de développement économique. En témoigne l’exemple d’Happy Tech, un tout jeune label qui est aussi un collectif de start-up. “Happy Tech, c’est une boîte à outils technologiques au service du bien-être au travail, qui sert à valoriser des solutions, notamment en ce qui concerne les lieux et espaces de vie au travail, définit Samuel Metias, fondateur de Comeet, également à l’origine d’Happy Tech. Nous partons du principe qu’il faut utiliser l’intelligence artificielle pour amener du bien-être au travail. Le collectif est né autour d’un label, fédérateur de solutions innovantes. Aujourd’hui, nous avons 10 solutions, réparties en trois catégories : lien social et lieux de qualité, santé, mesure du bien-être.” Parmi elles, on trouvera ainsi des services de conciergerie, du sport entre collègues, la planification d’activités…
Économiquement, le potentiel du secteur semble prometteur : Happy Tech a fait ses débuts en mai 2017, est passé à l’international en septembre. Il y avait 19 start-up fondatrices. Aujourd’hui, 130 demandes d’adhésion sont en cours. “Ce sont les entreprises qui viennent à nous, et pas l’inverse. Nous avons 70 demandes de partenariats en cours, et tout le CAC 40”, conclut Samuel Metias. Les fondateurs ont aussi rencontré Emmanuel Macron à Viva Tech. Lors de cette entrevue, il a été décidé d’organiser un entretien avec Muriel Pénicaud, ministre du Travail. Est-ce à dire que le sujet serait bel et bien pris au sérieux du côté de l’exécutif ?

En 2016, plus de 10 000 cas d’affections psychiques (troubles anxieux, troubles du sommeil, dépression, stress) ont été reconnus accident du travail. Coût : 230 ME. 600 affections psychiques ont été reconnues maladies professionnelles, sur 1 100 demandes. Un nombre multiplié par cinq en cinq ans.
Source : Assurance maladie, étude 2017

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