Il y a 100 ans, Cristóbal Balenciaga
ouvrait sa maison de mode. Inaugurant à Paris la série d’expositions organisées
à cette occasion en 2017, le musée Galliéra se penche sur ses créations noires.
Rencontre avec la commissaire de l’exposition, pour qui Balenciaga poursuivait
sa propre idée de la beauté, façonnant des pièces qui ont traversé le temps, et
révolutionné la conception du vêtement.
A partir du 8
mars, tous les regards de la mode parisienne se tourneront vers le créateur
Cristóbal
Balenciaga (1865-1972), grâce au Palais Galliera (le Musée de la
mode de la Ville de Paris)
et à son
exposition hors les murs au Musée Bourdelle intitulée L’Œuvre au Noir.
Plus de 100
créations issues du fonds du Palais Galliera et des archives de la Maison
Balenciaga sont présentées ici, ainsi que des esquisses de la main même du
couturier et d’autres documents d’archives, que viennent compléter des chapeaux
et des colliers iconiques.
Cette exposition
inaugure la Saison Espagnole du Palais Galliera qui se poursuivra avec Habits
aux couleurs de l’Espagne à la Maison Victor Hugo (21 juin - 24 septembre
2017) puis la rétrospective consacrée à Mariano Fortuny au Palais Galliera (7
octobre 2017 - 7 janvier 2018).
«L’Œuvre au Noir
s’est inspirée d’une visite au Museo del Traje (Musée du costume) de Madrid d’Olivier Saillard, directeur du Palais Galliera, »
explique Véronique Belloir, chargée du Département Haute Couture du Palais
Galliera et commissaire de l’exposition. « Découvrant la richesse et la
variété des costumes traditionnels, il a réalisé l’importance du noir dans les
nombreuses expressions de la culture espagnole. De là, l’idée de présenter
l’œuvre de Balenciaga à travers le prisme de la couleur noire s’est imposée
naturellement.»
L’exposition
pourrait même s’apparenter à une étude sur le noir. Comme l’explique un
communiqué, «Le Noir inspirait Balenciaga. Son travail puisait ses racines
dans le folklore et les traditions de son enfance espagnole. Le Noir emportait
la préférence de ce couturier aux dons exceptionnels. Le Noir exerçait une
influence monastique sur le maître, dont Dior disait que ‘Les vêtements étaient
sa religion’.»
Retour sur le
Noir
Le Noir de
Balenciaga paraît tour à tour vibrant, opaque, transparent, mat ou brillant. « C’est
en partie dû à son savoir-faire exceptionnel » rappelle Véronique Belloir.
«Pour cette
exposition »,
ajoute-t-elle, « nous avons 'ausculté' chaque vêtement avec une première
d’atelier modéliste afin de mieux comprendre le travail de construction et
l’attention portée à chaque pièce : coupe, repassage, montage, finitions,
doublures. Revoir le travail de Balenciaga, sans être 'diverti' par la couleur,
nous a permis de concentrer notre regard sur l’essentiel mais aussi d’entrer
dans la subtilité des matières et de leur mise en ‘œuvre’».
«La maison
Balenciaga nous a énormément aidés en nous ouvrant généreusement ses archives», poursuit
Véronique Belloir. «Certaines pièces emblématiques ont été restaurées
spécialement pour l’exposition. Telle la robe ‘cône’ en gazar, juste retenue
par des bretelles brodées. Notre rôle est également de les préserver comme
témoignage historique pour les générations futures.»
Cette histoire
est mise en scène dans des vitrines conçues spécialement pour l’exposition par
Olivier Saillard et juxtaposées aux sculptures du musée. Les proportions de
certaines d’entre elles s’inspirent du dispositif imaginé par le photographe de
mode et portraitiste Irving Penn pour réaliser nombre de ses clichés.
Étoile noire
Mais qu’est-ce
qui distingue Balenciaga en tant que créateur selon Véronique Belloir ? «
Gabrielle Chanel disait de lui : ‘Lui seul est capable de couper un tissu,
de le monter, de le coudre à la main. Les autres ne sont que des dessinateurs.’
C’est à mon avis cette connaissance parfaite de la coupe et du métier de
tailleur qui lui a permis de se concentrer sur la structure et les lignes d’un
vêtement à un point extrême, comme un architecte. Ainsi, il pouvait
déconstruire les formes et apporter par l’ajout de volumes très artificiels une
nouvelle silhouette loin de tous les effets faciles et conventionnels pour
rendre la morphologie féminine simplement ‘Jolie’ – il suivait son idée de la
beauté.
Le vêtement de
Balenciaga semble indépendant du corps qu’il habille, lui offre aisance et
liberté de mouvement, et surtout un style inédit. Certaines pièces ont traversé
le temps, et pourraient parfaitement être portées aujourd’hui, en particulier
celles qui ont été créées en noir.»
Le Noir inspirait
Balenciaga. Son travail puisait ses racines dans le folklore et les traditions
de son enfance espagnole.
Qu’a-t-il apporté
à la mode ? «Ses créations ne cherchent pas à flatter le corps, elles sont
exigeantes. Il se dégage quelque chose d’à la fois austère et de pourtant
majestueux. Lorsque l’on pose sur mannequin certaines robes, la silhouette se
redessine, le tissu prend sa place, prend forme et donne d’emblée une ligne
incomparable.»
«Consacrer des
expositions à de grands créateurs tels que Madeleine Vionnet, Madame Grès,
Chanel ou Balenciaga, permet de faire découvrir cela», souligne
Véronique Belloir. «Elles mettent en lumière l’évolution de leur travail qui
à leur époque a parfois fait scandale – à l’instar de Chanel avec la petite
robe noire. Tous, dans des styles différents, avaient un univers très
personnel et ont poussé leurs recherches toujours plus loin, jusqu’à aboutir à
une simplification extrême des formes. Ils ont fait évoluer la conception même
du vêtement. Notre rôle est de mettre en lumière ce travail et d’en transmettre
la connaissance au public.»
Samedi 22 avril 2017 à 11h
Musées Bourdelle et Zadkine
18 rue Antoine Bourdelle
75015 PARIS
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